Stones Throw, un des meilleurs labels de Hip Hop actuel s’est senti d’une mission : faire vivre et perdurer le funk en créant une sous-division portant très bien son nom Now-Again. Tout d’abord concentré sur des rééditions en vinyle de vieux groupes oubliés, Now-Again, voulant donner tout son sens à son « Now » sort l’été dernier une compilation de remix faisant le lien entre les artistes Stones Throw (MC, producteurs, mixeurs) et leur catalogue de perles rares funk, compilation, présent oblige, proposée aussi en une version CD! (même si la version coffret de 45 tours est sublime…) : Now-Again Re : Sounds Vol 1. Le mérite de cette sortie, hormis qu’elle passe très bien à l’heure d’un apéro au soleil, était de nous préparer aux futures sorties de la division.
Now Again prend son temps, choisi ses artistes misant sur la qualité et l’originalité. Et c’est ainsi, au milieu de l’hiver sous un soleil pale et bas qu’ils sortent l’Out There d’Heliocentrics. Album au croisement de la Musique de Sun Ra (dont le nom du groupe fait référence aux différents volumes éponymes du pianiste), du cinématisme d’Ennio Morricone, avec une touche (plutôt sombre…) de la palette James Brownienne. En assimilant le funk, le Hip Hop et les possibilités de la musique amplifiée passés au travers d’un caléidoscope. Vaste programme plongeant le funk dans la modernité tout en l’expulsant dans les astres!
Arrive ensuite l’été (pour certain…) et avec lui une nouvelle sortie Now-Again, suivant le rythme du soleil : le Sahara Swing de Karl Hector + The Malcouns. L’album nous est présenté comme étant de l’afrodelic kraut funk, terme bousculant les références immédiatement dans la tête : l’afro-beat de Fela Kuti, le Funkadelic de Georges Clinton, ou le rock expérimental allemand de Can (Kraut, voulant dire choucroute en allemand, était un terme employé par les anglais pour qualifier le mouvement rock allemand des années 70, dont la démarche se rapproche de leur Pink Floyd national, le Kraut était un mouvement discret dans les charts mais influant).
Le groupe basé à Munich est le résultat de la rencontre de Karl Hector, des frères Whitefield membres des Poets Of Rhythm, groupe de funk et d’afro beat, de Thomas Myland et Zdenko Curlija, membres de The Malcouns. Tous multi instrumentistes.
Le When the Sun breaks Through d’intro nous met en situation : rythmique cuivre afro beat, percussions, rythmes et instrument africains, phrases rappelant le Bee bop de Parker et Gillespie, dans une espèce d’harmonie bordélique. Se tiennent dans cette minute trente quasiment l’ensemble du concept musicale de Sahara Swing, manquant uniquement la guitare funky et les plages d’orgue psyché présentent tout au long de l’album.
S’en suit ensuite, des morceaux s’étendant sur des gammes de couleurs larges dues à la présence d’une quantité d’instruments impressionnantes : batterie, percussions de toutes sortes, métallophone, xylophone, ballaphon, basse, guitare, claviers, flutes, clarinettes, saxophones… passant de morceaux funk à des morceaux afro beat entremêlé de petites interludes de musique plus traditionnelle. Plus traditionnelle dans le sens où, dans les plages longues ils incorporent des instruments africains, dans les interludes ils utilisent, non plus seulement l’instrument mais aussi la tradition pour faire du funk, mais sans tomber dans la world music évidement !
La musique des Malcouns aime se mettre en contraction : partant sur des rythmiques batterie riches, des basses rondes et groovies mais classiques des genres funk et afro beat, se posent des refrains et mélodies de cuivre permettant de s’accrocher facilement aux morceaux et ainsi pouvoir se laisser pénétrer par les solos clavier ou guitare, pouvant être froid et contrastant avec la chaleur du rythme. Mais comme le désert, leur musique est changeante, et en un bridge bien senti, elle repart sur des rythmes tribaux et hypnotiques et laisse s’exprimer le free du jazz avec des envolées de cuivres.
La musique de Karl Hector + Malcouns est donc une musique pleine de contradictions, à la fois inscrite dans la tradition (africaine, américaine et allemande) mais poussée par cette mélancolie à transcender les genres, c’est aussi une musique chaleureuse qui peut te bruler comme le froid arctique, c’est une musique où, à un clavier psyché et froid, les vents et les percussions nous répondent par des mélodies sub-sahariennes, nous mettant aux oreilles la rudesse du désert : le cinglant du sable, l’hypnotisme des dunes, la chaleur et l’éclat du soleil, le glacial de la nuit.
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