Un serpent qui se mort la queue peut hypnotiser son dompteur !

Lock Groove : terme anglais définissant le « sillon sans fin » terminant un vinyle. Sillon dans le lequel se perd le diamant au lieu de venir s’écraser contre l’axe centrale de la platine. Se trouvant à la fin du disque, cette boucle infinie est donc silencieuse… mais des fois non…

Moi, enfant de la K7, mais encore plus du CD, la seule idée d’une boucle infinie d’1,8 seconde, composée et pensée comme telle, offerte par l’artiste, telle une amande insoupçonnée cachée dans un chocolat, me rapproche du sentiment de JC Menu lorsque qu’il découvre son premier Lock Groove sur St Pepper des Beatles…

Car on est bien là dans Lock Groove Comix, bande dessinée de JC Menu : dans le rapport à la musique, rapport physique, intrinsèque, dans l’excitation des sens, mais aussi rapport avec l’objet-support, ses limites et ses possibilités propres. Dans son style caractéristique d’un dessin hérité des lectures enfantines de Picsou Magazine, mais dans sa dimension (lecture pour) adulte, ayant le tranchant du renégat qui sait ce qu’il veut, JC Menu nous parle des disques qui l’ont marqués, de leurs histoires et de leurs contextes, nous fait partager des sensations de concerts (Neil Young, Père Ubu) et de la faune qu’on y retrouve (une sorte de sociologie des casses couilles des concerts) et bien évidemment nous gratifie de quelques Lock Groove Chronicles. Et ceci avec l’humour nécessaire pour éviter la nostalgie régressive : la quatrième de couverture représente un JC Menu perdu dans une étendue d’eau, portant à bout de bras un fanzine et un vinyle, criant, tel un manifeste, une dernière volonté, un provocateur: « vinyl et papier forever, merde aux CD ! Merde aux MP3 ! Merde aux Blogs ! Merde à myspace ! » gardant ainsi un peu d’autodérision et de recul, nous évitant le déprimant « c’était mieux avant ».

Le premier intérêt de l’ouvrage consiste bien sûr en la valeur des informations données sur les différents groupes, albums, et mouvements musicaux de ce Lock Groove comix volume 1, et ceci qu’on apprécie ou pas la musique dont JC Menu parle (Beatles, Sonic Youth, Rocket From The Crypt, Rock, Garage...).

L’autre principal intérêt réside dans la description et le rapport qu’il entretient avec cette discipline artistique, rapport dans lequel, tout mélomane se reconnaitra (tout en gardant à l’esprit que l’identification n’est pas non plus l’unique intérêt de la chose). JC Menu nous présente, par le biais de ces chroniques où musique et quotidien sont intimement liées, la musique comme une pratique culturelle avec ces histoires, ces références, ces évolutions, culture dans laquelle on se plonge, on fouille au gré des moments d’une vie, loin des radios ressassant les clichés des musiques d’hier.

Pour finir, ce livre est une très bonne porte d’entrée pour découvrir le travail de JC Menu, auteur et éditeur pour L’Association, dont le travail est décisif dans l’émancipation de la bande dessinée, dans le faire valoir d’une création artistique et d’auteurs, bien loin des présentoirs des grands magasins culturels que nous connaissons.

Lock Groove Comix de JC Menu dans la collection Mimolette de L’Association (collection au format comix, reconnaissable par sa tranche orange et au prix abordable, favorisant le farfouillage des bacs et l’achat-découverte).

Mais aussi auteur (entre autres) de:

-Livret de Phamille collection Ciboulette, toujours chez L’Association.

-Plates-bandes dans la collection Eprouvette, toujours chez L’Association. Texte-manifeste de JC Menu expliquant sa position dans le monde de l’édition de Bande Dessinée, démarche proche de celle pratiquée par les labels indépendants dans la musique.

-La Topographie Interne Du M, chez les Requins Marteaux.