jeudi 10 juin 2010

Quai d'Orsay de Blain et Lanzac

Blain est un auteur de bande dessinée de talent. Il sait se plonger dans les exercices de styles et prendre à contre pied les codes des genres : Dans Isaac le Pirates, il raconte les aventures d’un peintre embarqué sur un navire de forbans, dans Gus, il insuffle une dose de romantisme au Western.

Pour sa nouvelle série, Blain s’associe à Lanzac. Non pas que le dessinateur est en panne d’inspiration, mais pour s’atteler à ce projet, quoi de mieux qu’un homme de l’intérieur pour raconter les coulisses.

Quai d’Orsay raconte ce qui se passe derrière les hautes portes du Ministère des Affaires Etrangères. On suit Arthur Vlaminck, fraichement embauché au ministère pour s’occuper du langage. Entendre par là, la préparation des discours... De manière faussement hypocrite, on reconnaît bien vite que dernière le nom de son employeur, Alexandre Taillard de Vorms, se cache le ministre Dominique de Villepin.

Un des intérêts de ce livre est évidemment l’immersion au sein d’un cabinet ministériel, l’observation du fonctionnement de la politique. On reconnaît donc derrières les événement de l’Oubanga et du Lousdem, le traitement des crises en Côte d’Ivoire et en Irak. On y retrouve aussi les petites guerres intestines entre égos ou les manœuvres relationnelles pour avoir les faveurs du prince. Mais aussi le dévouement des membres du cabinet, leur abnégation de leur vie privée.

Sous les anecdotes de Lanzac, Blain nous dessine un personnage de Alexandre Taillard de Vorms plein de vie. Par le texte, tout le lyrisme du personnage, la rhétorique, l’emportement et la passion de l’homme politique sont là : très vite on ne peut s’empêcher de mimer dans notre tête la voix de Dominique de Villepin. Mais, le livre n’est pas une apologie de Dominique de Villepin, et ces qualités dont il a su faire preuve face au média se révèlent aussi, derrière les portes des bureaux du ministère, être ridicules. Ses théories versatiles, mouvantes aux grés des visiteurs de Alexandre Taillard de Vorms, et ses emportements lyriques drôles pour le lecteur s’avèrent pour ses collaborateurs, contraignants , fatiguants et énervants car toujours adéquates avec la lucidité géopolitique du personnage !

Le dessin super expressif de Blain donne une touche de burlesque à l’ensemble : les proportions du personnage changeantes et ses mains gigantesques souligne son charisme ; les portes qui claquent, les soupirs lâchés, les abus d’onomatopées donne une dimension théâtrale et une dimension Boulevard pleine d’humour à l’ensemble.

Derrière ses chroniques diplomatiques, on trouve aussi des scènes dont l’intention est uniquement l’humour : l’aparté sur sa manie des stabilos, ou encore la scène sur le rythme des récits de Tintin. Ses anecdotes sont évidement là pour souligner les traits du personnage.

Quai d’Orsay est une excellente lecture, très drôle, et passionnante. L’utilisation de Dominique de Villepin comme personnage de Boulevard, apolitique et exagéré, donne corps à l’histoire et nous montre finalement, lui et la politique, très proche de notre imaginaire : un théâtre de guignols plein de gesticulations, de coups de bâton, de grandes tirades et d’éclats de rire.


Quai d'Orsay de Blain et Lanzac chez Dargaud

samedi 5 juin 2010

Cosmogramma de Flying Lotus

Il faut bien admettre que Flying Lotus nous avait fait un drôle d’effet en 2008 avec son album Los Angeles. Los Angeles était un disque à la croisée de l’electro du Hip Hop du dubstepp et du down tempo. Des mélodies vaporeuses sur des basses rondes et des rythmiques martelantes ; Compositions épurées et minimalistes. L’affiliation avec des producteurs tels que Madlib, J Dilla ou même Jneiro Jarel était évidente sans qu’il ne souffre pour autant de la comparaison.

J Dilla étant mort depuis quelques années et son héritage assaisonné à toutes les sauces ; Madlib recommençant à peine à remettre les idées dans lesquelles il s’était perdu en ordre, il faut admettre une certaine fébrilité lorsqu’on presse sur play pour la première écoute de Cosmogramma...

L’entame (Clock Catcher) nous embarque dans une capsule cosmique, mélangeant le temps comme une horloge folle, traversant les époques en fracassant les harpes classiques contre des rythmiques technoïdes. On se retrouve en moins de deux minutes loin de toutes influences en apesanteur et dans le noir. Le cerveau déconnecté, les oreilles rafraîchies, nous sommes au milieu de ce cosmogramma, carte métaphysique des étoiles...

Pris entre panique et peur du vide, Pickled et Nose Art, morceaux stressés, brusques mais pourtant familiers dans l’univers de Flying Lotus, nous bousculent par ses rythmiques. Pourtant, même si on retrouve le FlyLo qu’on connait quelque chose à changer, cette basse jazz (Pickled) de Thundercat (croisé avec SA-RA Creative Partner ou Erika Badu), cajolante et obscène donne une dimension évolutive nouvelle à la musique de Flying Lotus.

En fait, les choses commencent sérieusement un peu plus tard avec (évidemment) Intro//Cosmic Drama. Les arrangements de cordes de Miguel Atwood-Ferguson marquant nettement la transition, confirme que ce qui vient de passer était là pour mieux souligner le changement.

Alors que Los Angeles était spontané, relativement immédiat, voire académique, Cosmogramma, s’adresse manifestement à la tête. Les compositions sont plus riches, avec des couches mélodiques et rythmiques nombreuses, dans des enchevêtrements mathématiques et enivrants (Computer Face//Pure Being pour les mélodies et Dance of the Pseudo Nimph pour les rythmiques par exemple). Flying Lotus mélange habilement les sons organiques (la harpe de Rebekah Raff et les arrangement de cordes de M. Atwood-Fergusson), électriques (la basse jazz de Thundercat) et électroniques, où l’écoute attentive, concentrée offre un plaisir rare. Comme une peinture qui ne délivre ses secrets qu’après une étude minutieuse, comme une récompense qui se mérite.

Mais Cosmogramma n’est pas uniquement une musique intellectuelle, il propose des morceaux plus immédiats : ...And The World Laugh With You, chanté avec évidence par Tom York tellement la complicité avec la musique de Radiohead est ostensible, le vaporeux et délicat MmmHmm, la samba cosmique de Satelllliiiiiiiteee, ou la Boogie House de Do The Astral emmenée par un scat posée sur des cordes et des voix susurrées, rappelant que la rythmique House n’est pas une fin en soi...

Même si déjà présente sur Los Angeles, par son côté ésotérique, la généalogie jazzistique de Flying Lotus (neveu de la harpiste Alice Coltrane, femme du John du même nom) est mise en avant. Flying Lotus rend hommage à ses influences jazz : Sa famille, avec une présence discrète mais palpable de la harpe, son cousin Ravi Coltrane pour les parties de saxophone, ses aînés comme Sun Ra et son free jazz solaire (Arkestry référence à l’orchestre de Sun Ra et German Haircut), ou encore ses amis avec la basse omniprésence de Thundercat donnant une dimension presque érotique à la musique de Flying Lotus qui pouvait parfois paraître froide.


Cosmogramma est un disque essentiel pour qui n’a pas peur de s’aventurer dans des contrées nouvelles : au carrefour des styles et des époques, la musique balisée par ses influences psycho-tropiques et musicales (le jazz, le hip hop, le dubstepp...), Flying Lotus défient les genres, et ses expérimentations sonores, ses traitements stylistiques intelligents rappellent le génie de Hendrix et le culot de Miles Davis. Rien que ça !

Cosmogramma de Flying Lotus chez Warp.

dimanche 2 mai 2010

L'Être Humain Et Le Réverbère

Rocé est un artiste rare. Rare, car ses apparitions publiques sont éparses, et rare, car des artistes de sa qualité ça ne cours pas les rues.

Donc Rocé, nous revient avec son troisième album L’Etre Humain et le Réverbère. Et on doit admettre notre impatience à écouter de nouveau sa prose, riche, subtile, irrévérencieuse et nuancée.

Le dernier album de Rocé date de 2006, une éternité dans la logique du jetable, mais pas pour Identité en Crescendo, dont la richesse réflexive, la pertinence des textes sur des instrumentales jazz continue de tourner fréquemment dans les lecteurs mp3 : Les moments pour se faire un fix de discernement, de stimulation intellectuelle sont légion compte tenu de notre environnement bas du front et bien pensant ! Identité en Crescendo est toujours contemporain et actuel.

Pour l’Être Humain Et Le Réverbère, Rocé laisse de côté ses digressions jazz d’ Identité en Crescendo (On se rappellera la participation d’Archie Shepp) et revient vers un Hip Hop plus classique. A travers un choix de samples originaux et de qualité qui illustre son ouverture d’esprit et sa curiosité -décrit dans le morceau Carnet de Voyage d’Un Être sur Place- Rocé offre des flûtes jazz dissonantes sur une rythmique efficace, une guitare légère sur un beat sombre et des scratchs stressant sur Mon Crâne sur Le Paillasson, ou encore une instru électro précipitée pour l’Objectif.

Pour Rocé l’instrumentale et les paroles sont un tout défendant une même idée. Ils sont complémentaires et forment des morceaux cohérents dont la musique emporte, supporte, appuie les propos.

Sur Identité En Crescendo, Rocé avait pris de la hauteur, s’attaquait à des thèmes englobant l’universel et les poussait dans les recoins de la philosophie : l’identité française sur Je Chante La France ou le poids de l’histoire sur Des Problèmes De Mémoires. Il appelait aussi l’être humain à se défaire de l’influence de son environnement, de sa société (sur Seul par exemple), à s’assumer en tant qu’être multiculturel et unique qu’il résumait sur Le Métèque par :

« Avec ma tête de métèque de juif errant, de musulman

Ma carte d’identité suspecte d’étudiant noir de rappeur blanc

Je commets le délit de faciès à tout lieux et de tout temps

Je sais pas ce que suis au yeux des êtres mais je sais ce que je suis sans»

Sur L’Être Humain Et Le Réverbère, Rocé revient traîner ses savates dans la rue et réintègre l’être humain dans son environnement géographique et social.

Il décrit ainsi avec finesse l’enfermement que représente la ville (Mon Crâne Sur Le Paillasson, L’Être Humain Et Le Réverbère) : le cloisonnement psychologique induit, car « La crasse contamine l’innocence de (nos) tréfonds », ainsi que l’horizon bouché qu’elle représente puisqu’entre L’Etre Humain et le Réverbère « le point commun le vrai, c’est l’étroitesse du destin ».

(le clip vaut le coup d'oeil rien que pour le plan des affiches de Sonny Rollins et d'Elton John...)

Rocé retrouve aussi l’exercice de la chronique de société. Il raconte des histoires d’individus pour décortiquer l’influence de la société du spectacle et de la médiatisation (L’Objectif) ou « exister c’est exister pixéliser » quitte à se coincer entre « Statut et Liberté », ou pour mettre en perspective le principe de la concurrence démontrant par des petites histoires que « les petits employés pleins d’étincelles sont souvent plus démentiels que les règles elles-mêmes » sur De Pauvres Petits Bourreaux, bousculant les idées toutes faites et montrant les victimes comme leur propre bourreau.

Ainsi, comme il le résume dans « Si Peu Comprenne », Rocé est là pour bousculer les idées reçues et il préfère prendre les « élites à leur jeux et prendre leur vocabulaire » pour mettre à l’honneur la dialectique et le doute (Des Questions à Vos Réponses) la culture et la curiosité déplorant qu’il n’y a « personne à Hypokhâgne, tous à Bercy et au Stade »...

Rocé n’a pas peur non plus de bousculer son propre auditoire, et au lieu de prêcher le convaincu il préfère le pousser, le faire vaciller de sa bien pensance.

On le retrouve tout de même dans des thématiques plus universelles : égratignant le concept de tribu dans Le Savoir En Kimono déplorant qu’ « on ne porte de nos héros que la couleur du Kimono » et rappelant qu’ « avoir le Nunchaku de Bruce Ne te donne pas la Technique », ou mettant à mal le civilisé en reprenant Les Singes de Jacques Brel.

Ainsi, L’Être Humain Et Le Réverbère est un disque à la musique inspirée et au texte profond, porté par un flow précis et qui a encore gagné en poésie. Rocé conforte qu’il est un auteur de fond, et prouve plus encore son habilité à manier la langue française avec un sens de la poésie des plus affirmés. Et on ne peut que le remercier de nous insuffler de la réflexion sur de la musique de qualité et de nous faire jubiler à voir notre langue ainsi jouer.


L'Être Humain Et Le Réverbère de Rocé chez Big Cheese Records

dimanche 18 avril 2010

The Whitefield Brother: Earthology

On nous parle souvent de la culture en péril face à l’impérialisme américain, menace menant à une certaine uniformisation de l’expression artistique ; conséquence directe de notre grande époque sous le signe du global, la culture viendrait de l’Amérique et s’inspirerait de l’Amérique.

Ce raccourci intellectuel, cautionné par les théories du Choc Des Civilisations, est évidemment le fruit de la curiosité bornée de quelques journalistes argumentant à l’aide des chiffres du Box Office.


Les Whitefield Brothers et leur nouvel album Earthology sont le parfait contre-exemple de cette image de la globalisation culturelle.

Les Whitefields Brothers ont été remarqués sous leur propre nom avec l’album In The Raw ; sorte de manifeste d’un possible funk brut avant que le diamant ne soit taillé par James Brown. On les retrouvera ensuite avec Karl Hector And The Malcoums pour l’album Sahara Swing puisant dans l’alchimie réussie du funk avec les mélodies subsahariennes et se mélangeant avec la Kraut musique allemande.


Aujourd’hui, les deux frangins allemands nous reviennent avec Earthology, nous promettant une étude approfondie de notre monde.Nous ne sommes évidemment pas surpris que le vecteur utilisé soit le funk.

Tout commence avec Joyful Exaltation. Nous sommes plongés dans un environnement urbain avec ces cuivres qui se répondent comme dans des klaxons de voitures, puis ce clavier froid, rapide rappelant le stress de la ville, et cette basse ronde, hypnotique comme le ronron des transports en commun. Dans cette frénésie introductive, la voix de Bajka (croisée au côté de Bonobo), nous rappelle qu’on arrive près de l’aéroport.

La première étape est l’Éthiopie avec un Safari Strut tout en douceur. Sur une batterie discrète, rapide et variée, l’éthio jazz se déroule sur un refrain de cuivre enivrant et chaud et de solos reposant de Marimba soutenu par une légère guitare funk. Un autre morceau éthiopien, Sem Yelesh lui répondra plus tard sur le disque.

Le voyage continue sur les différents continents. On passe par le japon avec Taisho et ses solos de Koto, on se dirige ensuite vers l’Égypte et ses thèmes de cuivres traditionnels avec Sad Nile, puis on profite des percussions turques sur Pamukkale pour, enfin assister à une soirée moite et endiablée au Nigeria avec l’Afro-Beat de Lullaby For Lagos.

Et finalement, on rentre tranquillement avec le reposant Chich et ses mélodies douces et tranquilles de vibraphone, Marimba et Glockenspiel, propice à fermer les yeux afin d’oublier le repas insipide servi dans l’avion du retour.

Quelques incursions vocales sont aussi de la partie, sur le bien nommé Reverse, avec une flute dissonante et les flow énervés de Percee P et MED frayant un chemin sur la musique saccadée. Morceau perdu entre un ghetto de Los Angeles et une cave égyptienne... Ou encore sur the Gift avec sa basse au soubaphone et les vocaux de Edan et Mr Lif proche du choc nature/ville.

Il ne faut pas croire que ce disque est de la World Music. Heureusement pour nous, l’écueil est évité. Ici, les instruments traditionnels sont utilisés comme composants de la musique moderne et déshabillés de leur folkore : le Koto remplace le solo de guitare, les thèmes de cuivres traditionnels sont disséqués dans des solos jazz. On est plus proche du traitement de la musique éthiopienne par Mulatu Astake que de Deep Forest...


Ainsi les Whitefield Brothers continuent leur exploration du Funk et du Jazz. Confirme que cette musique est un excellent vecteur pour que l’expression musicale s’émancipe du folklore tout en se modernisant. Il nous offre un beau voyage à travers Earthology, peut-être un peu moins homogène que leurs albums précédents, peut-être avec une identité propre légèrement diluée dans cette musique globale, mais laisse le gout agréable des voyages riches et déroutants, loin des clichés et des Gentils Organisateurs...

Earthology des Whitefield Brothers chez Now Again Records

Whitefield In Paris from MASSCORPORATION.COM on Vimeo.

dimanche 4 avril 2010

Gonjasufi: A Sufi And A Killer

Warp, le label de musique électronique vient de fêter ses 20 ans. Et histoire de brouiller les pistes, histoire de mystifier l’Histoire, histoire de préserver cette magie qui dure depuis 20 ans, histoire de prolonger le rêve né sous les acides des premières Rave Parties, confinées depuis au rang de simples rémanences, Warp se met sous protection shamanique. Bénissant les ancêtres et la descendance...

Dans le désert, Gonjasufi vit. Un homme installé aux confins des cultures de l’Amérique, au croisement des terres indiennes, de la conquête de l’ouest, de l’Eden hippies.


Mais Gonjasufi n’est pas le vieux shaman bloqué dans une époque révolue et qu’il n’a pas connu. Sa voix mystique, entre chant indien et blues rauques se pose parfaitement sur la rythmique lente, minimaliste et électronique de Flying Lotus sur Ancestor par exemple.

Mais c’est une fois qu’il a prouvé son aisance dans le contemporain qu’il s’en extirpe et part répandre sa voix nébuleuse et brulée sur les sons du producteur Gaslamp Killer. C’est avec lui que les incantations prennent toutes leurs puissances. Sur des instrumentales entre folk, world music (Kowboyz&Indians), rock (SuzieQ), voire jazz (Advice), nait un album de musique psychédélique défiant les âges. Sa plume trempée dans le mescal, sa voix brulée par le désert donnent à Gonjasufi une aisance insolente, lui permettant tour à tour de côtoyer la soul (Duet, Change), le hip hop, le toasting jamaïcain et le blues (She’s Gone).

Et ainsi, sur des musiques aux constructions simples (couplet/refrain, ou même une simple boucle le plus souvent), avec des samples et mélodies issues de l’inconscient collectif (SuzieQ, Klowdz, I’ve Given), une magie survole, une nuée de rêves et d’idéaux déchus se répandent comme un éther. Un mysticisme envoutant.

Gonjasufi, sa voix et son interprétation lâchées et illuminées s’extirpent des clichés dans lesquels les fantômes de Jimi Hendrix, ou de Jim Morrison (DedNd) auraient pu les pousser. (Gonja)Sufi et (Gaslamp) Killer nous offre un disque ou le charisme de l’homme et la complémentarité avec le beatmaker dépasse la simplicité de composition et transcende un héritage américain lourd et criard... Donne de l’ordre à ce qui n’en a apparemment pas. Certes, un ordre subjectif et personnel (à l’image de cet chronique...).


Gonjasufi: A Sufi And A Killer chez Warp.

samedi 20 mars 2010

Felt 3: Murs and Slug And Aesop Rock

Felt est un concept créé par les deux MC Slug and Murs. Deux gars affiliés aux galaxies Def Jux et Rhymesayers, les essentiels labels de indie Hip Hop. L’idée était de faire une trilogie en hommage à des actrices à la carrière légèrement en berne... Pour chacun des volets, un producteurs différents : Christina Ricci et The Grouch pour le premier, Lisa Bonet et Ant pour le deuxième.

Quid de l’épisode final ? Dans ce troisième épisode, Les deux MC ont voulu rendre hommage à Rosie Perez dont l’apparition la plus marquante est dans le film culte de Spike Lee Do The Right Thing et se sont appuyés sur les larges épaules d’Aesop Rock, MC talentueux, producteur en pleine éclosion.

Les trilogies, c’est comme les histoires d’amour, elles finissent mal en général. Mais comme une exception confirmant la règle, ce volume trois clos l’histoire en beauté ! Aesop Rock s’offre le luxe de réussir le grand écart entre la référence old school à Rosie Perez et le MC-Producteur avant-gardiste qu’il est.

Aesop produit des instrus à rendre sourd avec des basses a priori dociles et rondes (« Protagonist ») mais réservant leurs lots d’infrabasses quelques peu sournoises (avec un « Bass For Your Truck » parfait pour pavaner). Mais l’auditeur un tant soit peu attentif sera averti par ces scratchs secs et incisifs ("Chew Up"). Ainsi, avec les caractéristiques propres à l’univers d’Aesop Rock, que sont les éléments dub ("Get Cake"), les guitares saturées, les cuivres, et les basses cajolantes, il lance les deux MCs dans des structures variées et dans une compétition saine. Ces derniers ne peuvent, comme sur une piste de slalom, balisée et surprenante, qu’aller de l’avant et aligner les punchlines rythmés ou les refrains chantés au groove imparable (« Like You »,« G I Josephine »). On a là, trois potes qui se tirent la bourre pour nous fournir un album de Hip Hop pur et dur, frais, authentique et sans concession; Des MCs inspirés par les compos d’Aesop Rock se baladant du funk à l’électro en passant par le dub ou le rock dans l’élémentaire hybridation du Hip Hop. Cette alchimie nous offre les moments de pur plaisir que sont « Antagonist », « Chew Up », « Like You », « DeathMurderMayhem », et finalement tant d’autres...

Felt 3 s’écoute de long en large sans temps mort. Tout au long des 21 morceaux on s’étonne, écoute après écoute, d’être encore surpris de voir autant de perles s’enfiler. Mais, grâce à de drôles de petits interludes, on est préservé, on évite le syndrome du collier trop chargé, et on est donc toujours maintenu en haleine. Et quand c’est fini, on appuie sur Repeat :
"Feel That
Real Rap"
Et on se met à rêver d’une nouvelle collaboration des trois où Aesop Rock prendrait un peu plus le micro...

Felt 3 : Tribute to Rosie Perez
Murs, Slug produit et Aesop Rock
Rhymesayer

vendredi 5 mars 2010

Journal d'Italie de David B.

Entre 97 et 2003, David B. nous a offert une des œuvres les plus importantes de la Bande Dessinée des années 90-2000. Derrière le titre de « l’Ascension du Haut Mal », évoquant l’épique et l’aventure, se cachait un récit autobiographique : Celui de David B. et de son rapport à l’épilepsie de frère.

Depuis, délaissant quelque peu l’autobiographie, il s’est illustré par son talent de conteur, inspiré des légendes du monde entier il se fabrique ses propres histoires, revendique ses influences et se crée une mythologie personnelle, tenant autant des légendes japonaises que des récits sumériens.

Il revient cette année avec un livre intitulé « Journal d’Italie ; Trieste Bologne » ; titre nous promettant un retour à l’autobiographie. Mais, comme une bonne histoire c’est un récit qui nous propose à la fois ce qu’on attend de lui et nous réserve son lot de surprises, Journal d’Italie est bien un journal, mais il est aussi l’opportunité pour David B. de nous raconter des histoires.

Ainsi, durant ces flâneries dans les rues de Trieste et de Bologne, fuyant les rues encombrées de touristes, sa rencontre avec une statue de lion nous gratifie de l’histoire d’un prétendant messie juif projetant de construire une nouvelle tour de Babel. Se faufilant dans les petites rues débouchant sur une piazza, la visite de la maison des chats nous plonge dans les strates de l’évolution, traversant tour à tour le royaume des chats ou celui des cafards...

Les balades de David B. nous offre des histoires oniriques qui nous rappellent les contes merveilleux que nous lisaient nos parents, des histoires sorties de livres si grands que nous pouvions en faire des châteaux ou des bateaux de pirates.


David B.
Journal D’Italie T1 chez Delcourt, collection Shampooing