dimanche 18 avril 2010

The Whitefield Brother: Earthology

On nous parle souvent de la culture en péril face à l’impérialisme américain, menace menant à une certaine uniformisation de l’expression artistique ; conséquence directe de notre grande époque sous le signe du global, la culture viendrait de l’Amérique et s’inspirerait de l’Amérique.

Ce raccourci intellectuel, cautionné par les théories du Choc Des Civilisations, est évidemment le fruit de la curiosité bornée de quelques journalistes argumentant à l’aide des chiffres du Box Office.


Les Whitefield Brothers et leur nouvel album Earthology sont le parfait contre-exemple de cette image de la globalisation culturelle.

Les Whitefields Brothers ont été remarqués sous leur propre nom avec l’album In The Raw ; sorte de manifeste d’un possible funk brut avant que le diamant ne soit taillé par James Brown. On les retrouvera ensuite avec Karl Hector And The Malcoums pour l’album Sahara Swing puisant dans l’alchimie réussie du funk avec les mélodies subsahariennes et se mélangeant avec la Kraut musique allemande.


Aujourd’hui, les deux frangins allemands nous reviennent avec Earthology, nous promettant une étude approfondie de notre monde.Nous ne sommes évidemment pas surpris que le vecteur utilisé soit le funk.

Tout commence avec Joyful Exaltation. Nous sommes plongés dans un environnement urbain avec ces cuivres qui se répondent comme dans des klaxons de voitures, puis ce clavier froid, rapide rappelant le stress de la ville, et cette basse ronde, hypnotique comme le ronron des transports en commun. Dans cette frénésie introductive, la voix de Bajka (croisée au côté de Bonobo), nous rappelle qu’on arrive près de l’aéroport.

La première étape est l’Éthiopie avec un Safari Strut tout en douceur. Sur une batterie discrète, rapide et variée, l’éthio jazz se déroule sur un refrain de cuivre enivrant et chaud et de solos reposant de Marimba soutenu par une légère guitare funk. Un autre morceau éthiopien, Sem Yelesh lui répondra plus tard sur le disque.

Le voyage continue sur les différents continents. On passe par le japon avec Taisho et ses solos de Koto, on se dirige ensuite vers l’Égypte et ses thèmes de cuivres traditionnels avec Sad Nile, puis on profite des percussions turques sur Pamukkale pour, enfin assister à une soirée moite et endiablée au Nigeria avec l’Afro-Beat de Lullaby For Lagos.

Et finalement, on rentre tranquillement avec le reposant Chich et ses mélodies douces et tranquilles de vibraphone, Marimba et Glockenspiel, propice à fermer les yeux afin d’oublier le repas insipide servi dans l’avion du retour.

Quelques incursions vocales sont aussi de la partie, sur le bien nommé Reverse, avec une flute dissonante et les flow énervés de Percee P et MED frayant un chemin sur la musique saccadée. Morceau perdu entre un ghetto de Los Angeles et une cave égyptienne... Ou encore sur the Gift avec sa basse au soubaphone et les vocaux de Edan et Mr Lif proche du choc nature/ville.

Il ne faut pas croire que ce disque est de la World Music. Heureusement pour nous, l’écueil est évité. Ici, les instruments traditionnels sont utilisés comme composants de la musique moderne et déshabillés de leur folkore : le Koto remplace le solo de guitare, les thèmes de cuivres traditionnels sont disséqués dans des solos jazz. On est plus proche du traitement de la musique éthiopienne par Mulatu Astake que de Deep Forest...


Ainsi les Whitefield Brothers continuent leur exploration du Funk et du Jazz. Confirme que cette musique est un excellent vecteur pour que l’expression musicale s’émancipe du folklore tout en se modernisant. Il nous offre un beau voyage à travers Earthology, peut-être un peu moins homogène que leurs albums précédents, peut-être avec une identité propre légèrement diluée dans cette musique globale, mais laisse le gout agréable des voyages riches et déroutants, loin des clichés et des Gentils Organisateurs...

Earthology des Whitefield Brothers chez Now Again Records

Whitefield In Paris from MASSCORPORATION.COM on Vimeo.

1 commentaire:

Francky 01 a dit…

Salut JM.

Tout d'abord, quel plaisir de lire un de tes nouveaux post qui sont plus rares ces temps-ci (mais encore plus précieux, non ?).

Je ne connaissais pas Les Whitefield Brothers et cet album "Earthology".
Quand tu parle de références à Mulatu Astake et son éthiojazz, là ça me parle encore plus.
Ton post me donne envie d'aller voir plus loin avec ce groupe !
Sinon, niveau B.D, qu'as-tu lu ces derniers temps ?
As-tu lu le Vol.2 de "Dungeon Quest" qui est un bijou, dans la suite du 1. Je suis entrain de lire le "Bottomless Belly Button" de Dash SHaw : un véritable bijou qui vaut son cortège de louanges à l'époque de sa sortie.
Et "Fabrica" de N.Presl (dans ton top bd 2009 il me semble) : un régal sans parole, juste le dessin pour narration !

A + +