dimanche 18 janvier 2009

L'an 01 de Gébé

C’est la crise, le monde économique s’écroule, les valeurs de nos sociétés occidentales tombent le masque et cette chère main invisible régulant notre bon et bienfaiteur capitalisme, s’avère être plutôt un doigt bien tendu direct dans le c…

Alors que faire ? Mettre des sparadraps de plusieurs milliards sur les plaies béantes des industries dépassées (Mrs Renault et Ford, on vous l’avez dit qu’il fallait passait à autres choses!) ? Et prier très fort pour qu’ils tiennent ? Où faire violemment la révolution ?
Mais, si on faisait une pause plutôt ? Et plutôt que d’aller d’avant (ou d’arrière) si on faisait un pas de coté ? Aller on arrête tout : on regarde, et avec nos connaissances actuelles, réfléchissions à nos besoins réels. (les images sont cliquables pour les agrandir et en profiter).
Cette idée n’est pas de moi, mais celle pleine d’humour et de poésie de Gébé. C’est l’an 01, vaste projet, utopie joyeuse, né dans les pages de Charlie Hebdo entre 1969 et 1974. Le concept est simple, il tient en quelques résolutions :

En gros, on abandonne l'économie de marché et le productivisme, on replace l’homme au centre et on se penche sur des valeurs telles que l'écologie, la négation de l'autorité, l'amour libre, la vie en communauté, le rejet de la propriété privée et du travail.

Et dire qu’on l’avait oublié… Heureusement L’Association (encore…), non seulement structure éditoriale donnant sa chance aux jeunes auteurs, s’efforce de faire vivre le patrimoine de la Bande Dessinée, qui n’est pas reconnu à sa juste valeur (le limiter à Tintin, Lucky Luck, et Spirou, est fort dommageable culturellement parlant) et rajoute ainsi la ligne Gébé dans l’Histoire de ce média.

L’ouvrage en question regroupe donc les pages publiées dans Charlie. Composé de planches indépendantes et autonomes, le livre se révèle pourtant étrangement cohérent. Pourquoi étrangement ? Parce que construire une utopie basée sur une « idée si simple » au fil de centaine de pages sans en révéler les failles et les faiblesses, est effectivement quelque chose tenant de la magie et de l’étrange.

Tout d’abord Gébé fait un état des lieux de la société (nous montrons que 1968, en fait, on nous l’a bien volé), décrivant une société ou l’idée de changement est pregnante, légitimant finalement que l’an 01 n’est finalement pas « une idée en l’air mais l’idée dans l’air ». Alors oui, on parle de Pompidou de Reagan et Moulinex, mais sa démonstration fait mouche, et on comprend très vite que ces noms sont facilement remplaçables par Sarkozy, Obama (oui, oui Obama) et PSA : Les propositions de nos décideurs ne seront jamais des solutions. Et puis Gébé se lance dans des pages plus techniques, décrivant les actions à mettre en place, et alterne avec des planches plus oniriques nous décrivant le plaisir des choses simples, la satisfaction, et la préciosité du futile.

















L’utopie de Gébé se met ainsi en place au fur et à mesure. L’An 01 se réalise ainsi sous nos yeux, au fil des pages, gardant son humour et sa poésie mais gagnant en réalisme. Et la magie opère, l’an 01 devient intéractif, les lecteurs écrivent des chansons, créent des collectifs de mises en place de l’an 01 et posent des questions. Gébé y réponds, et l’utopie gonflent et finalement n’est plus si utopique que ça ! Le fait de penser l’an 01 c’est faire l’an 01 : on remet tout en question, on n’est plus spectateurs mais acteurs. A tel point que l’idée d’un film germe, et pousse même : 1973, le film « participatif » sort sur les écrans (on y croise Gérard Depardieu, Thierry Lhermitte.,Coluche, l'équipe du Splendid, les collaborateurs de Hara-Kiri (à contre-emploi en réactionnaires nostalgiques de l'ordre ancien et du port de la cravate), Gotlib (en gardien de prison !), Jacques Higelin, ainsi que de nombreux autres…).
Alors voilà, même si « l’utopie ça réduit à la cuisson, c’est pourquoi il en faut énormément au départ », des aventures humaines de la sortes, totalement gratuites, juste pour se faire du bien à la tête, ça regonfle le morale.

Alors je vous le redis, L‘an 01, c’est drôle naïf et pertinent, puérile et sain. C’est une œuvre, dépassant son média de support, dépassant l’instigateur qu’est Gébé, c’est une idée folle qui rend joyeux et rêveur. Et puis si ça se trouve l’an 01, c’est demain !

L'an 01 de Gébé chez L'Association

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